Intervention de Jacques Bourgoin
Rapport 05. 174
Mise en place du prêt à taux 0%
« Monsieur le Président, chers collègues,
En janvier dernier vous rendiez compte des états généraux des Hauts-de-Seine réservant un traitement anecdotique à la question du logement.
Une question était posée : un seul choix était possible parmi trois réponses proposées :
· résorber les logements insalubres,
· construire davantage de logements sociaux locatifs
· favoriser l’accession à la propriété
Nous l’avons dit, ces états généraux ont été un simulacre de concertation et de démocratie, mais surtout ils ont abouti à une analyse éloignée des préoccupations des altoséquanais et à justifier de conclusions arrêtées d’avance. L’exemple du logement est particulièrement éclairant, votre seule proposition est la vente de 4000 logements sociaux. Et la délibération que vous nous proposez aujourd’hui est l’outil de mise en œuvre de la vente de ces logements sociaux.
Pourtant, tous les indicateurs et tous les observateurs le soulignent, la crise du logement est particulièrement aiguë. Nous le constatons au quotidien et de manière accrue dans le département des Hauts-de-Seine, département de la ségrégation sociale et urbaine renforcée par la spéculation immobilière effrénée.
Notre responsabilité de conseillers généraux est de travailler à des réponses adaptées aux besoins des habitants et des salariés de notre département.
C’est pourquoi, les conseillers généraux communistes ont organisé avec les conseillers généraux socialistes et vert et 25 associations altoséquanaises, le 16 avril dernier, les « vrais états généraux du logement ». Notre démarche est bien celle d’une dynamique citoyenne, de construire ensemble, à partir de la réalité du terrain, avec toutes les forces militantes, politiques, syndicales et associatives qui le souhaitent.
L’ensemble des rencontres préparatoires et les débats de cette journée nous ont confirmé qu’avec cette proposition majeure et symbolique de vente des logements sociaux, la majorité de droite du conseil général est bien loin de la réalité, loin du quotidien de plus de 75000 demandeurs prioritaires d’un logement social. Bien loin des ménages aux revenus moyens et de l’ensemble des salariés qui nombreux passent des heures dans les transports faute de trouver des réponses adaptées à leurs moyens financiers.
Il faut dire que dans le secteur privé, ce sont des loyers 30% plus chers que la moyenne des prix de la région parisienne et une spéculation facilitée par le manque dramatique de logements sociaux.
C’est une spéculation immobilière galopante avec des prix de vente similaires à ceux de Paris intra-muros, comme nous l’avons constaté lors de notre conférence de presse dans le futur quartier « Disneyland » du Plessis-Robinson, à 4500 € le m².
Cette politique d’exclusion et de ségrégation sociale est renforcée par la multiplication d’initiatives qui suppriment des logements à caractère social.
Lors des vrais états généraux, des témoignages ont éclairé ce thème de nombreux exemples :
– la disparition peu à peu des foyers de jeunes travailleurs,
– la suppression de foyers ou de logements spécifiques par exemple pour les postiers
– la vente à la découpe d’immeubles anciens privés avec des loyers encore abordables,
– les menaces de destruction de chambres en cité universitaire à Antony.
Il n’est pas étonnant alors que les propriétaires d’habitat insalubre puissent persévérer dans leur comportement de « marchand de sommeil »
Notre responsabilité de conseillers généraux, c’est d’abord de permettre à tous ceux qui travaillent, étudient, vivent dans les Hauts-de-Seine, de pouvoir y habiter dignement. Et, en évoquant cette réalité, je parle bien de la délibération qui nous est proposée.
Monsieur le Président,
Soyons clairs, nous ne sommes pas contre la mise en place d’un dispositif favorisant l’accession sociale à la propriété.
Depuis de nombreuses années, nous demandons la mise en place d’un tel outil pour permettre le déroulement d’un vrai parcours résidentiel. Cela pourrait avoir du sens.
Par exemple, dans le même temps que nous continuons de construire des logements sociaux, à Gennevilliers, nous avons construit ces dernières années 150 logements par an en accession à la propriété et 75% des accédants sont d’anciens locataires de logement HLM, libérant autant de logements pour répondre à la demande locale et permettre le parcours résidentiel des uns et des autres.
Sous cet angle, je comprends bien ce que Monsieur Boulanger écrivait dans 92 Express du mois de mars dernier. Nous sommes d’accord pour permettre à tous les Altoséquanais qui le souhaitent d’accéder à la propriété, d’accord, mais aussi constamment exigeants pour « reconstituer une véritable offre de logements pour tous » et « permettre un véritable parcours résidentiel, tant dans le parc social que vers le secteur privé ».
Là où nous divergeons au fond, c’est que l’outil proposé a pour objectif principal de permettre la vente des logements sociaux.
Qu’on en juge :
Le rapport indique clairement, je cire : « le nombre de bénéficiaires potentiels pourrait être de l’ordre de 1000 ménages par an environ », soit 5000 en 5 ans.
Et si la délibération vise quatre catégories de bénéficiaires, le rapport indique clairement l’objectif de la vente de 4000 logements HLM en cinq ans.
Cette délibération vise donc à 80% ce seul objectif. En ce sens, il s’agit d’un véritable laboratoire à
l’échelle nationale, alors que vous préparez au plan national une future loi sur l’habitat, qui va dans le même sens, et dont le rapporteur – quel symbole ! – est votre ami le député maire du Plessis Robinson.
Soyons clairs cette politique renforce la ségrégation : Pourquoi ?
Prenons les exemples récents des logements vendus par l’office départemental : si la première étape peut laisser entrevoir un prix plus abordable que n’en propose le marché, tout le monde sait que le prix de sa vente ensuite suivra le prix du marché.
Pour donner un ordre de grandeur de cette spéculation, à Gennevilliers, un pavillon F3-F4 vendu par l’office départemental en 2001 pour 100 000 €, a été revendu en 2004 280 000 euros, son prix a été multiplié par trois et bien sûr est revenu au prix du marché.
Mercredi dernier, Pierre Pommelle a remis à Jean-Louis Borloo un rapport sur le logement francilien. Il y pointe une hausse vertigineuse du prix des logements (+87% en moyenne sur sept ans).
Avec cette politique, vous allez renforcer cette réalité de manière encore plus dramatique.
Ceci d’autant plus qu’il ne s’agit pas de la seule vente des logements de l’office départemental, mais de tous les logements sociaux, quel qu’en soit l’organisme propriétaire.
Nous connaissons tous la politique patrimoniale des S.A. HLM. Nous savons tous les différences de population entre les petites résidences HLM en centre-ville de certaines communes et les bâtiments de grandes cités d’autres. Chacun imagine quels seront les logements vendus et la ségrégation renforcée.
Soyons certains qu’ainsi le nombre de communes de notre département, toutes dirigées par la droite, sous le seuil des 20% de logements sociaux fixé par la loi continuera dans les années prochaines à augmenter.
Il ne suffit pas de promettre de construire 3300 logements sociaux par an en plus des opérations de restructuration urbaine (ANRU) quand il y a eu 1400 logements PLU et PLAI construits l’an passé.
D’abord, parce que le budget départemental présenté en mars ne le permet pas, mais surtout parce que cela ne correspond pas à la volonté politique des communes dont je parlais précédemment.
C’est pourquoi, le rapport, que vous nous présentez, qui aurait pu être l’outil contribuant à l’accession sociale à la propriété, sera en fait l’outil de la privation du logement social dans les Hauts-de-Seine.
Nous voterons contre et continuerons bien sûr, au-delà de cette séance, d’animer le débat public et de renforcer notre exigence du droit au logement pour tous. »