Nous sommes nombreux, parmi ceux et celles qu’intéresse la démarche des états généraux du communisme, à être élus à la direction du PCF, au Conseil National. Pourquoi chacun d’entre nous à t-il accepté, individuellement, d’être membre de la direction du PCF, quel en est l’intérêt ? La question vaut pour chacune et pour chacun, elle est évidemment d’autant plus posée aux quelques camarades qui comme moi ont accepté d’être élus à l’exécutif national. A chacun d’y répondre, je tente de m’y employer dans cette note.
Il n’est pas plus de congrès "fondateur" qu’il n’est de grand soir, finissons en avec la "religion" des congrès, espérés comme moment de nativité, de résurrection. Loin de moi l’idée de négliger le "moment congrès" ce que permet et implique le "processus congrès", évidemment. Mais quelle que soit l’importance donnée aux "congrès" communistes, nous ne devons plus penser l’émergence d’une nouvelle organisation communiste dans les schémas établis. Rappelons que par trois fois, au lendemain de trois congrès récents, rapidement successifs, ce "nouveau parti communiste " a été proclamé.
Est ce à dire qu’il n’y a plus rien à attendre du PCF, je ne le crois pas, le dernier congrès avec ses limites, les expériences menées, y compris celle des états généraux, me convainc du contraire.
L’état du parti, de la "mouvance communiste" est connu, nous en savons les traumatismes et les errances, les incertitudes, les recherches et les tentations de replis identitaires. Dans les rangs du PCF ces attraits se sont fortement exprimés au lendemain de l’échec des présidentielles, confortés par les succès des candidatures apparaissant comme plus radicales. La crainte de l’innovation, en tout cas la peur des fragilités qui en résulte, conduit à préférer "faire ce que l’on sait faire, être ce que l’on sait être" plutôt que de tenter l’aventure de la nouveauté, d’autant plus si celle ci semble devenir synonyme « d’abandons », « de capitulations » difficilement supportables quant la vie, les coups portés par le gouvernement et le patronat sont si durs, quand la social – démocratie s’est pleinement ralliée à la gestion du système, quand l’extrême droite progresse, l’abstention grandit, quand toute perspective progressiste, révolutionnaire, semble alors se fermer. Il est manifeste que l’expérience des EGC est apparue comme une nouvelle manière de faire « en haut », en dehors des militants, y compris à nombre de participants. Il faut donc s’interroger et pas seulement accuser le discours des autres et la présentation déformée des EGC.
Le changement d’époque que nous connaissons, qui à fort heureusement été débattu et approfondi au congrès, comme une question "stratégique", engendre, actuellement, beaucoup d’attitudes réactionnaires, de replis populistes, intégristes qui pèsent sur les sociétés, qui interfèrent dans tous les domaines. L’état de guerre sociale, de guerre aux pauvres, de guerre aux acquis sociaux, de discriminations et divisions racistes, confirment l’urgence, la situation est difficile, voir inquiétante.
Au vu de tout cela l’on peut penser, en tout cas je le crois, que le rapport de force était majoritairement craintif, sinon franchement défavorable, face à toute idée d’innovation, de redéploiement de la mutation, au lendemain des élections présidentielles d’avril 2002. Il a fort heureusement évolué dans le bon sens. Entre le rejet de la manière de conduire la mutation et le rejet de celle ci sur le fond, dans son principe même, le pas était vite franchi, l’arrêt se traduisant par des replis, des attitudes d’autodéfense, de recherche de statut quo. Or le congrès n’a pas entériné cet immobilisme, c’est pour moi essentiel. Certes rien n’est vraiment clair, mais le chantier est réouvert, le débat va à nouveau se mener dans l’espace de la « refondation nécessaire ».
Que la grande majorité, des votants, ait voté pour la base commune, en améliorant celle ci jusqu’à certaines limites certes, est du à la manière dont le congrès a été conduit, à notre apport.
Pour ma part je ne me reconnais pas dans l’analyse faite, au constat "d’une direction bunkérisée et déstabilisée"…Quid des débats, de leurs évolutions ? Pourquoi nier le rôle que chacun d’entre nous a joué, l’apport des réflexions faites dans le cadre des ECG, quid de la participation à la base commune ?
Pourquoi se refuser à voir les champs ouverts, réouverts, pour avancer, pour une nouvelle conception du communisme, de l’action communiste ? Depuis des années nous nous battons pour ces avancées, elles sont certes très fragiles, contradictoires, elles peuvent être réversibles, notamment en raison des flous stratégiques, mais pourquoi les nier ?
Nous savons que le dépassement de la forme parti est un long chantier, difficile, risqué, qui s’il ne peut se construire en ignorance du passé, ne peut s’effectuer « en continuité » de ce passé, il y faut des ruptures, dans et pour cette continuité. Je pense que le congrès a rendu cela plus clair en permettant à nombre de communistes de s’y retrouver en distinguant ce qui est de l’ordre de la continuité ( le sens du combat communiste, la capacité à assumer l’histoire sans se défausser… ) et de l’ordre des ruptures nécessaires ( le rejet non seulement du modèle mais d’une culture que le PCF a partagé, d’une conception de la lutte de classe ayant servi de soubassement à ce modèle, la prise en compte de la société, du monde, réels…).
Enfin nous pouvons sortir de la fausse rupture qui consistait à rejeter ; sans analyser, en se masquant nos filiations le « communisme de l’Est ». Le travail n’est évidemment pas fini, il ne fait que commencer. Cela implique beaucoup de nouvelles théorisations et tout autant beaucoup de pragmatisme, d’expérimentation. Il reste évident pour moi que nous devons valoriser le champ du communisme quotidien, les militances, et engagement de révoltes, d’espoirs qui s’y expriment tout en ayant conscience, pour les critiquer, des inerties, des formes de conservatismes que cela peut charrier jusqu’à en contredire les visées. Le PCF c’est tout cela.
Ne faut-il pas essayer de faire encore mieux et plus de communisme quotidien, pour ne laisser personne « désarmé » face aux coups portés, et donc, du même pas, avancer concrètement, proposer des réponses articulées aux novations nécessaires, aux enjeux, aux luttes et débats de notre temps.
Qui peut penser que les avancées et confrontations indispensables se situent exclusivement dans le domaine de la stratégie communiste ? La question de la stratégie est certes décisive, mais nous avons toujours insisté sur les contenus, nous avions raison, je pense que cela reste justifiable, qu’il serait inefficace de séparer débat stratégique et débat de contenus.
Pourquoi faudrait-il renoncer à faire avancer, à poursuivre le travail engagé pour que progressent des questions comme celle sur l’individualité, celle sur le droit, les droits fondamentaux, le féminisme, la lutte contre les discriminations et les populismes, l’alter mondialisation, l’Europe, les droits des migra
nts, la révolution urbaine, l’écologie, etc.… Ces problématiques, et d’autres, bousculent le champ du communisme traditionnel, elles impliquent beaucoup de créativité, elles contraignent à concevoir, accepter, des novations, des remises en causes.
Quant à la stratégie, le congrès débouche effectivement sur des projections assez contradictoires. Nous disons ne plus vouloir nous enfermer dans le concept « Union de la gauche, PC-PS », ce qui est une avancée mais il faut en assumer les conséquences premières, le risque de perte de positions électorales sinon le « réalisme » ressurgira.
Nous savons que la réorientation n’est pas simple d’autant qu’il ne peut s’agir de remplacer un pole par un autre : le pole « alliance avec la social – démocratie » par le pôle « alliance avec la radicalité ». Les choix des Verts, de la LCR ne simplifient pas les réponses, au contraire. Les débats dans le mouvement social contribuent à ouvrir de nouvelles perspectives mais nous savons qu’il serait erroné de ne pas respecter leur rythme, leurs formes. Les volontés hégémoniques du PS, le poids des institutions, des modalités électorales impliquent des combats difficiles ou il faudra faire preuve de courage ou il faut avancer très démocratiquement. Le congrès défini une démarche sans être clair sur les choix ? Investissons cette démarche.
Le rôle joué par des camarades porteurs des Etats Généraux pour que le PCF s’implique dans le FSE n’est pas négligeable. Ce n’est pas d’abord un point marqué contre une direction, contre un appareil, si ce n’était que cela se serait dérisoire, mais c’est bien un point d’appui pour que le PCF, les militants, s’ouvrent, s’interrogent, se mettent en cause, réfléchissent de manière nouvelle à leur apport, au rôle d’une organisation révolutionnaire, tant dans les formes d’organisation que dans le contenu des propositions et stratégies avancées.
Pendant des décennies le « communisme » a pensé pouvoir délimiter, circonscrire, le territoire de la révolution. La nation était vécue comme cet espace du possible. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Par exemple comment aborder la question des délocalisations, sans céder à la casse de l’emploi, sans replis sur « produire français » en étant ouvert aux besoins de partage, de développement pour tous les peuples…. ?
Une certaine conception de l’intérêt général, qui se présentait comme une évidence, un acquis de la république, se réalisait dans l’état ( le parti), l’individu étant aliéné au « bonheur commun », disparaissant de la pensée communiste. Qu’en est-il, ou en sommes nous ?
Comment construire une formation politique centrée avant tout sur la souveraineté d’individu(e)s autonomes, un rassemblement d’individus dont la libre association est la garantie de la richesse de l’apport au collectif et qui pour autant puissent réagir en tant qu’organisation. La diversité des avis, des actes, permet de cerner la diversité du réel. Les choix, majoritaires permettent de construire du commun authentique, du projet partagé, en assumant cette diversité.
Donner un nouvel élan au communisme, en écrire une nouvelle page est un vaste chantier ou nul replis, nulle exclusive mais aussi nulle confusion, ne saurait être de mise. Ce ne peu être du syncrétisme communiste, nous ne pouvons laisser croire que le chantier se construit avec des courants nostalgiques, se réclamant, par exemple, d’un comité Honecker ! Il y a des combats à mener contre les idées de régression communiste, ne faisons pas croire à une convergence illusoire de la galaxie communiste dans laquelle il suffirait de se réclamer du communisme.
Il faut être intransigeant dans la critique de positionnement, encore trop ancrés dans le passé, persistants à hiérarchiser les luttes au prix d’une marginalisation du droit, des droits fondamentaux, d’une relativisation du bilan des ex-pays communistes.
Le racisme, les formes communistes du « populisme », doivent être combattues, refusés, énergiquement.
Travaillons les contenus encore plus que nous ne l’avons fait pour que progressent, les critiques, les réflexions, la recherche.
Aidons à avancer, encore et encore, dans le domaine des institutions et de la république, du partage et du co-développement, sur le travail et le hors travail, l’unité et les contradictions de l’activité humaine et du travail, de la culture, des représentations et de la formation et de l’éducation… Pourquoi ne pas investir le débat sur la sécurité emploi formation ? .
Pour faire reculer le repli, le conservatisme, il faut en contester le terrain sur le plan de la critique du système, du travail, de l’exploitation… il ne peut y avoir de division des préoccupations, ici l’entreprise et le travail, ici le mouvement et les questions dites sociétales… Le congrès permet enfin de dépasser cette classification qui après avoir tant allaité les conceptions du « communisme-canal historique » a déclenché une névrose anorexique..
Pourquoi ne pas investir davantage, ou utiliser mieux encore, beaucoup plus collectivement espaces Marx… pour approfondir ces questions conceptuelles et pour les débats de fond ouverts, pluralistes, c’est un lieu sans pareil ?
De plus nous savons que la crise traverse aussi le champ syndical, que la refondation est aussi à imaginer dans ce domaine. Il y a trop peu de syndiqués en France, pourquoi ? J’aimerais que nous analysions cette question sans tomber dans des réponses d’appareil. La nécessité de repenser la démocratie passe aussi par cela, les structures syndicales ne sont elles pas imprégnées de la culture du dessaisissement ?
Quant aux mouvements sociaux, ils entérinent souvent la coupure du social et du politique. La « crise de la politique » est à l’origine de leur émergence, de leur capacité à construire, à proposer du nouveau tant dans les contenus que dans les formes, elle en dessine aussi certaines limites. Nous savons qu’il y a là une source de contradictions que nous devrions approfondir. Comment valoriser ceux et celles qui cherchent à transformer ces rapports du mouvement réel, de la nouveauté issue de la crise de la politique à la politique et aux institutions. Imaginer de nouveaux rapports entre expérience sociale et construction politique, entre mouvements et perspective politique implique que le PCF et divers lieux et formes d’action et de pensée y travaillent, dans le respect de chacun mais aussi éventuellement dans la confrontation. Il n’est pas spontanément garanti que la reproduction de la politique politicienne, tant critiquée à juste titre, soit évitée.
La lecture de Marx d’Isabelle Garo me conduit à penser que la dialectique continue de nous échapper, nous entérinons, tout en nous en défendant, une (des) coupure entre réflexion fondamentale et organisation de l’action.. Les formes d’organisation que nous avions proposés et qui ont été à la base des statuts actuels entérinent des coupures entre conception et exécution qui vont à l’encontre de ce que doit être une organisation de transformation sociale et finalement contredisent ce que nous voulions affirmer par « l’individu centre d’initiative ».
Rappelons qu’entre le Manifeste et l’émergence d’une organisation commu
niste il s’est "passé quelques années", c’est à méditer, à intégrer pleinement. Il me semble d’ailleurs que nous ne pouvons singulariser trop rapidement ce processus qui fut pluraliste, fluctuant, connoté et influencé par les autres partis.
Ce retour sur l’histoire des partis, de (des ) organisations communistes de l’unification de celles ci est en effet riche de sens, enrichissons ce débat.
Les propositions de Marie George Buffet permettent d’avancer, en donnant au CN son rôle de direction et à l’exécutif celui qu’implique son appellation. Les collectifs et commissions, les lieux d’activité de territoires ou de réseau contribuant à tout cela. Je crois que nous avons beaucoup de travail à faire, qu’il serait dommageable de ne pas tenir nos responsabilités. La reconnaissance de l’OMOS est aussi un point d’appui….
Cette participation à la direction du PCF ne peut avoir d’autre raison d’être que de contribuer activement au développement de l’activité communiste, donc d’une activité militante, innovante. De manière lucide et en sachant les points d’appuis, les freins et contradictions.
N’est ce pas ainsi que nous avancerons dans le PCF, avec le PCF et avec les rassemblements type EGC
C’est avec le même état d’esprit que j’appuie la proposition de constitution d’un "espace-réseau communiste d’élaboration, de réflexions et d’initiatives, ouvert à toute structure existant ou à constituer, et permettant à toutes celles et tous ceux qui placent leur activité militante dans la visée communiste de travailler ensemble, sans considération d’appartenance partisane, et hors de tout enjeu de pouvoir ou logique d’appareil» me convient tout à fait, elle est nécessaire, pour la suite des EGC, tirer leçon de l’état des EGC et pour éclaircir la manière dont chacun se situe.