A propos du PCF

2-01-2003. Lettre de démission de P.Leclerc des instances de direction

Aux membres du Conseil départemental
Aux animatrices et animateurs de Section
Aux parlementaires et maires du 92
Aux membres du CN du 92
A la commission Transparence des candidatures

Chère camarade,
Cher camarade,

A dix semaines de la Conférence fédérale, il me semble important de t’informer de mes décisions en ce qui concerne mon propre devenir. Pour beaucoup, cela ne sera pas une surprise car je n’ai jamais caché mes opinions et mes intentions, juste une confirmation donc que je souhaite officialiser dans cette période de préparation de congrès en posant ouvertement la question de mes responsabilités politiques à la direction de la Fédération. D’abord, une décision politique. Cette décision m’est très personnelle, elle n’engage que moi et n’empêche pas que je respecte les opinions très différentes des miennes qui s’expriment dans cette préparation de congrès.

Les communistes prendront une décision à la majorité et j’en tirerai toutes les conséquences pour moi-même. En effet, jamais comme aujourd’hui je n’ai porté autant d’importance à une décision de congrès. Des choix faits, je déciderai de mon propre engagement. Ecrivant cela, je souhaite que personne ne prenne mes propos pour un chantage (qui aurait somme toute bien peu de poids!) mais bien comme un élément de transparence sur les directions. Je ne suis pas (ou plus?) en capacité de mettre en œuvre n’importe quelle politique et dans n’importe quelles conditions. Il est aussi des moments où il faut savoir vérifier si son opinion est de l’ordre "de la diversité" qui permet d’enrichir et de s’enrichir des autres dans une même organisation ou du désaccord profond. En fonction des décisions du congrès, il est possible (mais pas certain) que je me retrouve dans la deuxième catégorie, il faut donc le savoir pour anticiper.

Cette société me fait peur avec le développement du clientélisme, de la violence, de la dictature du fric, du populisme, des dérives communautaristes, des guerres, … Je ne voudrais pas léguer cela à mes enfants, ni aux autres d’ailleurs. Plus que jamais, les raisons pour lesquelles j’ai adhéré et accepté des responsabilités au PCF me semblent d’actualité. Il faut agir pour changer cette société, ce monde. Il y a besoin de communisme. Il y a besoin d’une organisation qui favorise l’expression d’exigences concrètes de communisme.

Si tu as lu ma contribution pour la Conférence nationale ("Faisons un enfant", mes interventions au CN), tu sais que je pense que le PCF, aujourd’hui, n’est plus adapté pour cela, qu’il nous faut décider majoritairement de lancer un appel à toute la société pour construire une formation communiste nouvelle. Je pense, en effet, que notre histoire récente montre que ce parti n’est pas réformable. Ce qui avait toute sa force et sa cohérence il y a un siècle et dans le siècle, atteint des limites aujourd’hui. Ce n’est pas forcément dramatique, mais une évolution qui peut être normale.

Pourtant, dans nos débats nous perdons trop de vue notre objet initial: changer la société. Nous vivons repliés sur nous-mêmes, avec nos rites, notre façon de penser et de vivre, en nous racontant des histoires sur ce que les gens attendent de nous. Nous regardons en permanence dans le rétro. Toute pensée nouvelle est stérilisée par la peur de la remise en cause du passé, toutes formes de vie différentes sabotées. Notre mode de vie repose sur des "traditions familiales du PCF" (ne pas vouloir chagriner untel ou untel, des potentats locaux ou nationaux, des habitudes à ne pas bousculer, une infantilisation de l’adhérent-e) et non plus sur la politique. Nous pensons plus à sauver la structure PCF qu’à travailler l’objectif et la cohérence de notre organisation pour cet objectif. Le repli sectaire nous atteint.

Pour moi, le problème du congrès n’est pas de savoir si le PCF va continuer de vivre. Il peut vivre ainsi encore très longtemps de la même façon que le Parti des travailleurs, ex OCI, vit à 1 ou 2% depuis plus de 50 ans. Mais quel gâchis! Car la question de la révolution demeure.

q Gâchis, car le Parti, dans l’état catastrophique que je décris, rassemble encore des milliers d’hommes et de femmes formidables, désintéressés, dévoués, humanistes.
q Gâchis, car il y a une expérience révolutionnaire faite de réussite et d’échecs, il y a des idées transformatrices et une amorce de travail (projet communiste). Il y a une capacité réelle de proximité, de présence sur le terrain.
q Gâchis car nous perdons le sens de notre engagement: changer le monde, pour des intérêts boutiquiers, nous confondons l’outil de la cause avec la cause.
q Gâchis car en se maintenant tel quel, notre parti stérilise toute pensée nouvelle, empêche la création d’autre chose, devient un obstacle au changement plutôt qu’être ce formidable creuset pour aller de l’avant.

Notre parti peut encore donner à la société tout son potentiel révolutionnaire, son apport dans la création de quelque chose de neuf. Rien de neuf ne se fera en restant dans notre moule. Il ne faut pas que nous restions qu’entre nous, il faut l’apport de toutes celles et ceux qui aspirent à dépasser le capitalisme et qui ne se reconnaissent pas dans le PCF, qui ne viendront pas au PCF même si l’on affirme qu’on a changé (on leur a déjà fait le coup!). Il nous faut du sang neuf (voyez la moyenne d’âge de nos directions de section, de notre actif militant!).

Cela ne pourra pas se faire, non plus, sans une majorité d’adhérents du parti. En cela, la responsabilité de direction est immense. Sans une impulsion de la direction nationale, nous ne nous engagerons pas dans du neuf, du nouveau avec une majorité de communistes.

Il faut un signe fort à la société, aux salariés, aux plus démunis, aux créateurs, à la jeunesse pour chercher à remettre le dynamisme, une dynamique du coté du changement, des révolutionnaires. C’est ce que j’attends du Congrès. Ce que je souhaite qu’il exprime clairement. S’il ne le fait pas, je ne participerai pas à ce que je considère être plus que du gâchis: un frein aux changements nécessaires.

Cela m’amène donc à vous inviter d’ores et déjà à réfléchir à qui vous souhaiteriez comme Secrétaire de notre Fédération. Cette question est ouverte et donc posée, dès maintenant, pour la Conférence fédérale car elle ne peut pas être suspendue à mon simple "bon vouloir" en fonction des décisions de congrès.

Pour ce qui est de la Fédération des Hauts-de-Seine, je ferai tout pour que cela se passe bien, quelles que soient les décisions de congrès, parce que j’espère me tromper dans mes analyses (ce serait plus simple!) et surtout parce que je ne veux pas agir sur le terrain du "après moi le déluge!" ou d’un rapport amour/haine avec l’organisation.

Je profite d’ailleurs de ce courrier, pour vous remercier individuellement et collectivement de la qualité des rapports humains et de militantisme, qui se sont développés et entretenus dans notre département.

Nous avons "une belle Fédération", agréable à animer, sans guerre de chefs, de clans et une tradition du débat assez bonne. Une Fédération où les rapports entre le corps militant et dirigeants, entre les élus et le Parti, entre les sections et la Fédération sont pour une quasi-unanimité conçus dans des rapports fraternels, de confiance, de solidarité et de volonté de travailler en commun. J’ai eu, j’ai, beaucoup de plaisir à essayer d’exercer les responsabilités que vous m’avez confiées. C’est une expérience passionnante et très enrichissante sur le plan humain que je ne regrette absolument pas. C’est un lieu d’expérimentation, d’élaboration et de mise en œuvre important. Avant d’être "une tâche", c’est une passion, une aventure individuelle et collective qui vaut le coup d’être vécue, surtout dans d’aussi bonnes conditions. Très sincèrement, merci de m’avoir permis de la vivre.

Je crois qu’à présent, il est bon de faire appel à candidature et que nous menions la réflexion collective sur celle ou celui qui pourrait être Secrétaire de la Fédération dès le prochain congrès ou dans l’année qui suit si vous estimez que nous avons besoin de temps pour effectuer ce changement.

Car après ce long développement sur une décision qui est d’abord politique dans ma réflexion, il y a aussi une décision personnelle. Je souhaite ne plus être permanent, même si je continue à faire beaucoup de politique et assumer des responsabilités. Je prépare une conversion professionnelle avec l’objectif de l’avoir réussie dans les deux ans. Il faut donc que vous pensiez sérieusement à me remplacer.

Voilà, cher-e camarade, ce que je comptais te dire dans ces dernières phases de préparation du congrès. Ce sont des décisions importantes d’abord pour moi personnellement, mais qui en raisons de leurs conséquences sur les responsabilités que vous m’avez confiées, ne pouvaient pas rester que personnelles.

En te remerciant pour ton attention,

Fraternellement,

Patrice Leclerc

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